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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

tout le personnel de se maison, ou pour mieux dire tout son troupeau, devinrent, en cette occasion, prisonniers des Français. Le quartier général fut établi quelque temps au palais épiscopal. Le commandant en chef des Français, le général Humbert, et son état-major, habitaient la maison et étaient en rapports journaliers avec l’Évêque, qui fut ainsi parfaitement en état de rapporter (dans une brochure anonyme qu’il publia ensuite) les circonstances principales de l’invasion des Français, l’insurrection qui en fut la suite dans le Connaught, ainsi que les traits qui frappaient le plus dans le caractère et la conduite des officiers républicains.

Je parcourus à cheval tous les jours pendant plusieurs mois la contrée où tout cela avait eu lieu, en compagnie du Doyen de F. que son ministère sacré n’avait pas empêché de remplir, comme soldat, ce qui lui paraissait un devoir élémentaire dans ces moments difficiles. Ces courses me donnèrent maintes occasions de rectifier ou de contrôler les assertions du digne évêque, et de récolter des anecdotes intéressantes.

Le petit corps des troupes françaises qui entreprit cette expédition lointaine, avait été pris, pour la moitié, dans l’armée du Rhin ; l’autre moitié avait servi sous Napoléon dans sa première campagne au dehors, la brillante campagne de 1796, qui aboutit à la conquête de l’Italie du nord. Les soldats, venus d’Allemagne, laissaient voir à leur air et à leur maigreur, combien ils avaient souffert. Quelques-uns d’entre eux, racontant leurs privations à leurs camarades d’Irlande, leur apprirent que, pendant le siège de Mayence, qui avait eu lieu l’année d’avant, dans l’hiver de 1797,