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que la faculté de donner aux idées un vêtement grec est du ressort de la sensibilité naturelle, et qu’elle est presque sans rapport avec l’étendue ou la précision grammaticale que possède celui qui écrit en grec.

Ces explications sont trop longues. Le lecteur comprendra en somme que ce qu’il me fallait en pareil cas, ce n’était poins la connaissance précise et familière de la syntaxe en cette langue, ce n’était point une copia verborum, ce n’était point une extrême agilité à parcourir les rapports mutuels des idées ; c’était surtout la faculté de considérer les objets modernes, étrangers à l’antiquité sous un aspect capable de me suggérer des périphrases quand le mot propre faisait défaut, et de donner de la vivacité à ma traduction avec des idiotismes pleains de saveur et de variété, partout où l’occasion se présentait.

J’y réussis et je me surpassai, car pour la première fois, M. Lawson me félicita vivement. Cela ne lui émit jamais arrivé, comme on le savait, et ce fut aussi la dernière fois. Il me fit un autre compliment d’une nature plus substantielle, qui mit le comble à sa gracieuse condescendance, je veux dire qu’il me plaça provisoirement dans la classe supérieure. Ce n’était point alors la classe supérieure, car il y en avait une autre plus élevée, mais les jeunes gens qui la formaient allaient prendre leur vol vers Cambridge dans quelques semaines ; alors la première classe s’ouvrit pour nous, c’est-à-dire pour moi et deux autres.

Deux ou trois jours après cet examen, un dimanche, je transportai mes pénates chez. M. Lawson. Vers neuf


    comme ceux de Dawes, où l’on le propose d’imiter Homère ou Théocrite, ou d’une manières générale, que des vers hexamètres dactyliques, sont parfaitement inutiles pour prouver qu’on a la faculté de penser en grec. En les examinant, on verra que la magnificence orchestrale du mètre, que la cadence sonore qui est le propre à chaque vers isolé, impose nécessairement à la pensée la discontinuité. Les vers iambiques sénaires sont seuls exempts de ce défaut, car ce mètre possède la faculté de se mouler, de recevoir librement des incidentes, et sous ce rapport il est semblable, mais inférieur au vers blanc des Anglais, tel qu’il est manié par Milton.