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D’UN MANGEUR D’OPIUM

diant. Mais la possession d’une langue, la facilité de l’adapter, de la mouler sur vos propres pensées, est absolument uniquement un don naturel, et le temps n’y est que pour peu de chose. Que l’on prenne la trinité dominante des érudits hellénistes qui florissaient entre la révolution anglaise de 1688 et le commencement du XIXe siècle, trinité que l’on formera, je pense, de Bentley, Valckenner et Porson, l’on s’imagine généralement que ce sont les hommes auxquels il faudra nous adresser si nous voulons une éloquente inscription grecque pour un monument public. Je ne suis pas de cet avis. Les plus grands érudits se sont d’ordinaire montrés les plus piteux écrivains dans les langues classiques, quelles qu’elles soient. Il y a soixante ans, quatre docteurs nous donnèrent autant de traductions de l’Élégie de Gray, et ces quatre traductions faisaient fort peu d’honneur à l’érudition anglaise. Et pourtant l’un de ces docteurs avait précédé Porson dans la chaire de grec de Cambridge. Si l’on objecte que le docteur Cooke (c’est de lui que je parle) n’avait guère de réputation, nous allons prendre un helléniste indiscutable, un homme d’une précision pointilleuse, Richard Dawes, l’auteur bien connu des « Miscellanea critica ». Celui-là, il était un vrai gourmet en fait des finesses de la syntaxe grecque ; il eût été en Grèce un érudit de quelque valeur, et plus d’une fois il prit à la gorge Richard Bentley. Il écrivit, il publia la traduction grecque d’une partie du Paradis perdu, ainsi que deux idylles pleines de flagorneries qu’il dédia à Georges III, au sujet de la mort de son « auguste » papa. Il est difficile de rien concevoir de plus niais dans la conception, de plus enfantin dans l’exécution que ces deux tentatives. Je vais maintenant leur opposer les vers iambiques composés par un enfant qui mourut à dix-sept ans : il était fils de M. Tomline, évêque de Winchester qui fut le précepteur de M. Pitt[1]. Je soutiens absolument

  1. vers iambiques. — On les trouves dans le traité de Middleton, évêque de Calcutta, sur l’article grec. À cette occasion je ferais remarquer que ces vers