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CONFESSIONS

ordinaires, il se reposait de ses devoirs sur ceux qui avaient plus de loisirs.

À cette dernière catégorie appartenait assurément le troisième tuteur, le révérend Samuel H…, qui, à la mort de mon père, était vicaire d’une église, à Manchester ou à Salford, à ce que je crois[1]. Ce personnage faisait partie d’une classe que la nature de l’homme à nécessairement rendue nombreuse en tout temps, mais qui l’était encore plus alors qu’aujourd’hui. La classe dont je parle est celle qui ne possède aucune sympathie pour le sens intellectuel et les facultés intellectuelles de l’homme, elle considère la religion comme un code de règles respectables, fondées sur de grands mystères tracés obscurément, et rappelés à la mémoire dans certaines-grandes fêtes ecclésiastiques. Celles-ci ont été établies par les Églises primitives de la chrétienté, par exemple par l’Église anglicane, qui ne date que de la Reforme, par l’Église romaine, par l’Église grecque. Il avait composé un recueil de trois cent trente sermons environ ; à raison-de deux par dimanche. Il y en avait pour un cycle de trois ans ; sa modestie lui faisait regarder ce temps comme suffisant pour assurer l’oubli total de son éloquence. Un impertinent aurait-pu soutenir qu’il fallait beaucoup moins de temps pour produire cet effet, car les sujets traités ne s’élevaient pas au-dessus du niveau de conseils utiles, et le style, sans manquer de correction académique, n’était pas d’une passion entraînante. Comme prédicateur, M. H… était de bonne foi, mais il manquait de vivacité. C’était un homme bon et consciencieux ; il regardait la chaire comme un instrument

  1. Salford est une grande ville, séparée légalement de Manchester pour des raisons électorales, séparée physiquement d’elle par une rivière, mais à cela près, au point de vue des relations et de l’influence, c’était un quartier de Manchester, comme Southwalk est un quartier de Londres. Si le lecteur veut se faire une idée de cette situation par un souvenir classique, c’était le même rapport que celui d’Argos avec Mycènes. Une invitation à dîner, proclamée par le Perrault public d’Argos, pouvait s’entendre du milieu de Mycènes, et un gourmand l’aurait entendue des faubourgs les plus éloignés, et le menu état particulièrement engageant.