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LA FILLE DU LIBAN

marchait d’un pas assuré vers le trentième jour, voici qu’une fièvre brûlante s’abattit sur Damas, et qu’elle prononça son arrêt sur la fille du Liban, mais avec douceur, si bien qu’en moins d’une heure elle fut enlevée aux enseignements célestes de l’Évangéliste. Et ainsi chaque jour le doute se fortifiait. — Le saint apôtre la toucherait-il de sa main, en lui disant : « Femme, lève-toi. » Ou la présenterait-il comme une pure fiancée au Christ, avant le trentième jour ? Mais la parfaite liberté est le privilège de ceux qui servent le Christ et c’était à elle seule à faire son choix.

Le trentième matin se leva dans toute se pompe, mais bientôt il fut obscurci par un orage soudain. Le soleil ne se montra pas avant midi ; alors la glorieuse lumière perçu son voile, et les vallées syriennes se réjouirent de nouveau. C’était l’heure désignée à l’avance pour le baptême de la nouvelle fille du Christ. Le ciel et la terre se répandirent en bénédictions sur cette heureuse tête, et quand tout fut terminé, à l’abri d’une tente dressée sur le toit plat de son habitation, la fille régénérée du Liban, jetant son regard par-dessus les jardins de roses de Damas, contempla vers le lointain horizon ses montagnes natales. Elle était couchée, éprouvant un bonheur plein d’angoisse, et témoignant par la blancheur de sa robe baptismale, qu’elle avait recouvré son innocence et s’était réconciliée avec Dieu. Et quand le soleil descendit vers l’Occident, l’Évangéliste, qui était resté aussi depuis midi près du lit de sa fille spirituelle, se leva solennellement et lui dit : « Fille du Liban, le jour est arrivé, et l’heure approche ou je dois remplir lu promesse que je t’ai faite. Veux-ru être plus sage dans les désirs, et permettre que Dieu ton nouveau père, t’exauce en paraissant te refuser, qu’il te fasse un meilleur présent ; ou dans un monde bien meilleur ? » Mais la fille du Liban devint triste à ces mots, elle désira ses collines natales, non pour elles-mêmes, mais parce qu’elle y avait laissé une sœur jumelle qu’elle chérissait :