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XXIII
AU LECTEUR

(c’était feu M. Addington, frère du premier lord Sidmouth). Il me décrivit les sensations qui l’avaient amené à l’usage de l’opium dans des termes identiques à ceux qu’employait le doyen de Carlisle : « C’était comme si des rats lui mordillaient les membranes de l’estomac. » Nommons aussi Samuel Taylor Coleridge ; il y avait bien d’autres personnes à peine moins connues. Si donc une classe relativement très nombreuse a pu fournir autant d’exemples, et cela dans les limites d’information d’un seul curieux, il était naturel de conclure que la population de toute l’Angleterre présenterait la même proportion de cas.

Cette conclusion ne me parut pourtant pas assez rigoureuse jusqu’au jour où certains faits arrivés à ma connaissance me firent assez voir qu’elle était parfaitement correcte : lo Trois pharmaciens de Londres, gens estimables ; établis fort loin les uns des autres, chez lesquels j’achetai par hasard de petites quantités d’opium. m’assurèrent qu’il y avait alors un nombre infini de gens

    poltron qui avait de l’autorité sur la presse, tous les noms propres furent supprimés à mon insu dans la première édition de ce livre, il y a trente-cinq ans. Je ne fus pas consulté, et je ne découvris ces blancs absurdes que plus tard quand je fus raillé à leur sujet, et avec grande raison par un journaliste satirique. Rien ne pouvait être plus plaisant que ces appels à des ombres, à Lord D…, au doyen D…, au philosophe D… En tout cas, il n’y avait aucun prétexte pour justifier cette absurde intervention, en alléguant qu’il y avait là des personnalités qui pouvaient offenser les hommes distingués. Tous les cas, sauf peut-être celui de Wilberforce, au sujet duquel j’eus alors de légers doutes, étaient connus familièrement dans des cercles nombreux d'amis. J dois rendre justice à M. John Taylor, l’éminent éditeur de ce livre, en déclarant qu’il n’eut aucune part dans cette inepte suppression.