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LES PLAISIRS DE L’OPIUM



Le jour où je pris de l’opium pour la première fois est si éloigné, que j’aurais pu oublier sa date, si ce fait avait été dans ma vie un incident sans importance. Mais les événements décisifs sont inoubliables : les circonstances qui accompagnèrent celui-ci me permettent de le rapporter à l’été ou à l’automne de 1809. À cette époque j’étais à Londres, ou je revenais pour la première fois depuis mon entrée à l’Université. Voici quelle fut cette occasion. J’avais gardé de mon enfance l’habitude de me baigner la tête dans l’eau froide au moins une fois par jour. J’éprouvai une crise soudaine de mal de dents que j’attribuai à l’interruption momentanée de cette pratique ; je sautai à bas du lit, je me plongeai la tête dans une cuvette d’eau froide ; et je me recouchai les cheveux encore tout humides. J’ai à peine besoin de dire que le lendemain je me réveillai en proie aux atroces douleurs d’une névralgie rhumatismale de la tête et de la face, qui ne me laissa aucun répit pendant vingt jours. Le vingt-unième, je crois, c’était un dimanche, je sortis dans la rue, plutôt pour échapper à mes tortures, si c’était possible, que dans un but défini. Je rencontrai par