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XIII
PRÉFACE DU TRADUCTEUR

rapporte à ces révélations soudaines qui nous font voir la combinaison longtemps cherchée, et à laquelle, en désespoir de cause, nous avions essayé de ne plus songer. Cela n’indique-t-il pas un travail souterrain, où l’intelligence reprend, loin du regard de la conscience, la tâche que la volonté avait renoncé à exécuter ? Il semble qu’on voit se réaliser le conte de fées où une jeune princesse enfermée par une marâtre avec un tas de graines mêlées ensemble, a pour obligation de les trier ; elle se désespère, mais arrivent des fourmis que jadis elle a évité d’écraser, et en peu d’instants, à son insu, tout est rangé par tas distincts. Dans le folklore des Highlands, les brownies se rendent utiles de la même façon pendant la nuit, mais s’ils s’aperçoivent qu’on cherche à les épier, ils disparaissent après avoir commis un méfait. Peut-être aussi, la psychologie fera-t-elle bien aussi de laisser l’intelligence inconsciente accomplir son œuvre dans l’obscurité.

Mais tout en constatant ces faits, nous bornant là, et nous gardant de vouloir en pénétrer la substance, nous pouvons nous demander s’ils ne contiennent pas tous les éléments de la fantasmagorie que déploient en nous l’opium et les substances analogues. Ils nous prouvent un phénomène d’une importance capitale, la distinction qui existe entre les facultés mentales ; l’intelligence peut échapper à la volonté et à la conscience, travailler loin de leur action avec force et régularité, pour ne leur apporter ensuite que le résultat définitif, la solution du problème cherché ; elle peut aussi travailler sans