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Si ne put onc[1] découvrir le vrai point,
Tant lui semblait que fût obscur et mince.
Deux pailles prend[2] d’inégale grandeur ;
Des doigts les serre : il avait bonne pince.
La longue échut sans faute au défendeur ;
Dont[3] renvoyé s’en va gai comme un prince.
La cour s’en plaint, et le juge repart :
« Ne me blâmez, messieurs, pour cet égard[4] :
De nouveauté dans mon fait il n’est maille[5] ;
Maint d’entre vous souvent juge au hasard,
Sans que pour ce tire à la courte paille. » La Font.




CHAPITRE XI.
De l’Harmonie.

Si l’harmonie du style est nécessaire à l’éloquence, elle l’est bien plus encore à la poésie. Le poëte, en adoptant le rhythme cadencé du vers, s’est engagé à offrir à l’oreille un charme qu’elle ne trouvait pas dans la prose : à plus forte raison doit-il, à l’exemple de l’orateur, choisir, parmi les mots qui se présentent à lui, ceux qui sont les plus doux à prononcer, et faire en sorte que leur mélange produise encore une agréable impression. Il sera parlé plus tard de l’harmonie imitative ; nous verrons alors quelles restrictions il faut mettre à la règle générale de l’harmonie.

  1. 1. Aussi ne put-il jamais.
  2. Il prend deux pailles.
  3. D’où, en conséquence.
  4. A l’égard de cela, pour cela.
  5. Il n’y a pas du tout de nouveauté, il n’y a rien de nouveau.