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Dans un genre de poésie où l’on veut reproduire le langage populaire, on retranche l’e muet non-seulement devant une consonne, mais encore dans le corps des mots : Nous n’somm’s pas, d’la tête, p’tit.

4° L’e muet acquiert quelquefois plus de valeur dans la prononciation, et devient la syllabe d’appui. Ainsi, dans voyez-le, l’accent tonique porte sur la dernière. Dans ce cas, l’e muet se soumettra difficilement à l’élision. Si vous scandez : voyez-le en passant en cinq syllabes, voyez-l’ en passant, vous altérez la véritable prononciation, en déplaçant l’accent. On doit prononcer voyez-l’ à peu près comme voyezleu, et vous prononcez voyez-l’ peu près comme voyelle [1].

Cette élision était admise dans nos vieux poëtes, et elle se retrouve encore du temps de Louis XIV, mais seulement dans le genre familier :

Ou bien faites-le entrer. — Qu’est-ce donc qu’il vous plaît ? Molière.
Condamnez-le à l’amende, ou, s’il le casse, au fouet[2] Rac.
Du titre de clément rendez-le ambitieux. La Font.

Dans le genre soutenu, l’on évite entièrement la rencontre de cet e muet avec une voyelle ; car, si l’élision est choquante, d’un autre côté, le conflit d’une voyelle, accentuée avec une autre voyelle produirait un hiatus.

La Harpe a souligné la mauvaise élision de le,

  1. D’ailleurs, l’orthographe même nous montre que l’élision n’est point ici praticable ; car elle ne permet pas d’écrire : voyez-l’en passant, comme elle ordonne d’écrire l’homme.
  2. Dans les Plaideurs.