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L’élision de l’e muet final a lieu quand le mot suivant commence par une h non aspirée :

Laisse-moi prendre haleine, afin de te louer. Corn.
L’argent en honnête homme érige un scélérat. Boil.
Plus méchant qu’Athalie, à toute heure l’assiége. Rac.

Mais elle n’a point lieu quand l’h qui suit est aspirée :

Me montrer à la cour, je hasardais ma tête. Corn.
Et le teint plus jauni que de vingt ans de hâle. Boil.
Malheureux, j’ai servi de héraut à ta gloire. Rac.
Je jure hautement de ne la voir jamais. Mol.

2° L’élision de l’e muet est exigée dans le corps du vers, quand cet e est précédé d’une voyelle accentuée, comme vie, joie, risée, vue, etc.

Rome entière noyée au sang de ses enfants. Corn.
Hector tomba sous lui, Troie expira sous vous. Rac.

Par conséquent, les joies, les destinées, ils voient, ils prient, renfermant un e muet que les consonnes finales ne permettent pas d’élider, ne peuvent être placés qu’à la fin du vers.

3° L’e muet qui caractérise les rimes féminines ne compte pas dans la mesure, quoique le vers suivant commence par une consonne, et qu’il y ait continuité dans le sens :

Ciel ! à qui voulez-vous désormais que je fie
Les secrets de mon âme et le soin de ma vie ? Corn.
Que dans le Capitole elle voit attachées
Les dépouilles des Juifs par vos mains arrachées. Rac.

Le féminin grande peut perdre, par apocope, son e final devant quelques noms consacrés : grand’mère, grand’salle, la grand’chambre, à grand’peine, etc.