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Cueillez vos fleurs au matin, de diverse couleurs, (en ayant soin) que l’une ne touche pas l’autre. Prenez une espèce de pierre qu’on taille au ciseau[1] ; qu’elle soit blanche, lisse et mince ; puis mettez vos fleurs sous cette pierre, chaque espèce à part. Par cemoyen vos fleurs se conserveront avec leurs couleurs. » Il y a à conclure de là qu’il pratiquait la botanique, au moins comme amateur. S’il ne se préoccupait pas tant de la couleur, on pourrait dire que c’était pour avoir des modèles d’ornements à mettre sur les chapiteaux des colonnes, puisque c’est de son temps que les fleurs de nos pays, imitées en placage, ont commencé à remplacer, pour la décoration de l’architecture, les feuillages et fleurons imaginaires de l’antiquité.

C’est à un autre ordre de connaissances, à l’art du potier, qu’est empruntée la recette suivante (fol. 21 v.) :On prent kaus et tyeule mulue de paiens ; et ferés kume autretant de l’une cum de l’autre, et un poi plus del tyeule de paiens, taunt come ses color vainke mes autres. Destemprez ce ciment d’oile de linuse. S’en poez faire un vassel pur euge tenir. « On prend chaux et tuile romaine pilée, et vous faites à peu près autant de l’une que de l’autre, mettant plutôt la tuile en excès, de telle sorte que ce soit sa couleur sui domine. Détrempez ce ciment d’huile de graine de lin. Vous en pourrez faire un vase à contenir l’eau. » Je n’ai trouvé dans le Traité de céramique de M. Brongniart la mention d’aucun produit fabriqué par ce procédé. C’était une poterie crue qui devait avoir la consistance de la pierre. Le moyen âge le tenait certainement de l’antiquité. Sa composition ressemble beaucoup à celle de certains mortiers que Paul le Silentiaire dit avoir été employés à la construction de Sainte-Sophie.

Je crois reconnaître la préparation d’une pâte épilatoire dans une autre recette, écrite immédiatement après la précédente. On pren vive kaus bolete et orpeument ; se le met on en euge bollans et oile. Cist unnemens est bon por pail ostier  ; « on prend chaux vive qui a bouilli et erpiment ; on met le tout dans de l’eau bouillante avec de l’huile. C’est un onguent bon pour ôter le poil. »

Enfin comme remède aux blessures qu’on se faisait souvent autour de lui, Villard e Honnecourt avait trouvé dans ses lectures ou reçu de quelque empirique, l’ordonnance que voici :

« Reteneis ço que jo dirai. Prendés fuelles de col roges et sanemonde (c’est une erbe con clainme galion filate), prendés une erbe con clainme tanesie et caneuvize (c’est semence de canvre) ; estanpés ces.iij. erbes, si qu’il n’i ait nient plus de l’une que de l’

  1. Sans doute une pierre à structure lamelleuse, comme la pierre à Jésus.