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Tout cela est très intelligible, quoique les moyens pour représenter la dépression des lignes et des surfaces ne soient pas aussi parfaits qu’ils l’ont été depuis. Ainsi, l’usage de la ligne pointée est inconnu à Villard de Honnecourt, et c’est par des traits pleins qu’il indique la projection des voûtes. Quant aux parties solides, clôtures et points d’appui, elles sont figurées simplement par des lignes de leur épaisseur, sans être chargées d’une teinte qui les fasse ressortir aux yeux. Dans les coupes, les massifs tranchés par le plan où est posé le point de vue, ont pour marque des traits ondés. Enfin, les élévations ne sont pas toujours réduites à un seul plan, comme cela se pratique aujourd’hui ; celles des constructions circulaires sont mises en perspective.

Comme exécution, ces dessins ne sont pas sans mérite ; on voit qu’ils sont dus à une main exercée, mais les outils paraissent avoir été bien imparfaits. On dirait que les courbes ont été tracées avec une plume attachée à l’une des branches d’un compas de tailleur de pierre. La gravure fera ressortir cela lorsque ces dessins auront été reproduits, si jamais ils le sont. La description que j’en vais faire n’a pour but que de mettre en relief les notions archéologiques ou historiques qu’ils renferment.

1° Salle dont la voûte repose sur un pilier central (fol. 21 r.). — Par chu met om on capitel d’uit colonbes à one sole ; s’en n’est mies si en conbres, s’est li machonerie bone ; « ainsi fait-on retomber les portées de huit colonnes sur une seule, disposition moins embarrassante, sans que la maçonnerie en soit moins solide. » Plan carré ; huit piliers appuyés sontre les murs (deux sur chacun) donnent naissance à seize nervures qui aboutissent à huit clefs, lesquelles en renvoient huit seulement sur une colonne centrale. Ce genre de construction, donné ici d’une manière théorique, a été exécuté nombre de fois au XIIIe siècle, nommément pour voûter les salles supérieures dans les grosses tours des églises ou des châteaux.

Plan d’une église en croix latine d’une forme absolument carrée (fol. 14 v.). — Le chevet est donc rectiligne comme celui de Notre-Dame de Laon, celui de Saint-Pierre de Poitiers, celui de plusieurs cathédrales anglaises ; mais au lieu que, dans ces églises, la sanctuaire est fermé tout uniment par le mur droit qui constitue la clôture du chevet :une double galerie règne au fond du monument tracé par Villard de Honnecourt. Au-dessous on lit :Vesci une glize d’esquarie kif u escardée à faire en l’ordene de Cistiaus ; « voici une église d’équerre, qui fut projetée pour l’ordre de Cîteaux. » Je ne saurais dire sir le projet a été mis à exécution ; mais je vois par