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Ce sont là de précieux matériaux, mais d’un difficile emploi. Rien de bizarre comme le système dans lequel ont été conçues les figures de ces machines. Elles sont présentées à la fois dans toutes les perspectives, à vol d’oiseau et en hauteur, de face et de profil, de sorte que c’est un problème que d’avoir à définir le plan de chaque pièce. Joignez à cela que plus d’une fois des rouages importants ont été omis soit par l’inadvertance du dessinateur, soit par impossibilité de sa part à tout représenter.

Les machines dessinées sont les suivantes :

Une scierie hydraulique (fol. 22 verso). — La figure a pour légende : Par chu fait om une soore soir par li sole, « par ce fait-on une scie scier d’elle même. » La scie est en élévation. On en distingue très bien le ressort, qui est une longue perche flexible. l’articulation opposée au ressort consiste en quatre barres assemblées entre elles comme les pièces d’un sautereau. sur l’arbre de la roue motrice, vu en projection, sont établis une roue dentée pour faire avancer le bois qu’on scie entre ses guides, et un tourniquet qui s’abat sur l’articulation de la scie.

C’est bien là le point de départ de nos appareils aujourd’hui si perfectionnés. L’invention remontait à l’antiquité, puisque Ausone, dans son poème de la Moselle, mentionne des scieries de marbre établies sur la petite rivière d’Arouvre :

Præcipiti torquens cerealia saxa rotatu

Stridentesque trahens per lævia marmora serras.

Du Cange cite, pour le moyen âge, plusieurs exemples de scieries mécaniques, mais tous postérieurs au dessin de Villard de Honnecourt. Le plus ancien est celui d’un établissement de ce genre, acheté en 1303 par les chanoines de Saint-Sernin de Toulouse, au Mas-Saintes-Puelles (Aude). Deux autres exemples, postérieurs d’une trentaine d’années, constatent la prohibition des scieries mécaniques tant à Monréal (Aude) qu’à Allevard (Isère). Au contraire, les autorisations pour en construire abondent à la fin du même siècle, particulièrement en Bigorre et en Savoie. Les dénominations fournies par les titres, sont celles de ressega, ressia, reyssia, resea de aqua, seyta, sciarium.

2° Scie à receper les pilots (fol. 23 r.). — Ce n’est pas sans surprise que j’ai rencontré là cette scie qui passe pour une invention du siècle dernier ; car, lorsque depuis un temps immémorial, les constructeurs hydrauliques ne savaient piloter qu’à l’aide de batardeaux, Belidor imagina de supprimer l’opération si dispendieuse de l’épuisement au moyen