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au dessin. Il leur demande, en récompense, d’avoir mémoire de lui et de prier pour son âme.

Villard de Honnecourt, à en juger par son surnom, était Cambraisien, car Honnecourt est un village sur l’Escaut, à cinq lieues de Cambrai. Cette présumable origine prend la consistance d’un fait certain par la présence dans l’album de deux dessins, dont l’un est le plan de l’église de Vaucelles, abbaye située tout à côté d’Honnecourt ; dont l’autre représente également, en plan, le chœur de l’église cathédrale de Cambrai.

De même que tous les hommes de son temps qui savaient quelque chose, notre architecte avait beaucoup voyagé. « J’ay esté en moult de terres, » dit-il en un endroit, et à l’appui de son dire, il invoque les monuments de tous pays réunis dans son album. En effet, c’est presque un itinéraire que ce manuscrit. On l’y voit traverser la France du nord à l’ouest, puis parcourir l’empire d’Alllemagne jusque par de là ses limites les plus reculées. S’arrêtant une fois à Laon, il y prend le croquis de l’une des tours de la cathédrale, « la plus belle tour qu’il y ait au monde, » à son avis. Ses études minutieuses sur la cathédrale de Reims prouvent qu’il séjourna longtemps dans cette ville. Son passage à Meaux est constaté par un plan de Saint-Étienne, son passage à Chartres par un dessin de la grande rose occidentale de Notre-Dame. Plus loin, on le trouve installé devant le portail méridional de la cathédrale de Lausanne dont il copie la rose existante encore aujourd’hui. Enfin, l’album atteste un long séjour de l’auteur en Hongrie.

Il est à regretter que le manuscrit de Villard de Honnecourt fournisse moins de renseignements sur ses travaux comme architecte que sur ses pérégrinations. On n’y voit qu’une composition signée de lui ; encore en partage-t-il le mérite avec un confrère. Cet ouvrage consiste en un plan de sanctuaire pour une église de premier ordre. Le chœur est enveloppé d’une double galerie et de neuf chapelles, les unes de forme carrée, les autres en hémicycle. Elles alternent sur ce double patron à droite et à gauche de l’abside qui est carrée. Dans l’intérieur, on lit cette légende :Istud presbiterium[1] invenerunt Vlardus de Huncort et Petrus de Corbeiainter se disputando. Ainsi, cette disposition insolite fut le résultat d’une conférence entre Villard et un sien confrère appelé Pierre de Corbie ; rien n’indique d’ailleurs qu’elle ait été exécutée.

  1. Bresbiterium pour presbyterium est ici l’équivalent de notre mot « chœur ».