Ainsi portez-les vous-même, car, par ma foi, je crains. » En entendant cela, elle me disait : « Mon cher Pablo, aie pitié de moi, je t’en conjure au nom de Dieu ; porte-les, il ne t’en peut rien arriver. » Je me fis beaucoup prier, et à la fin, comme c’était ce que je voulais, je me rendis. En conséquence, je pris les deux poulets, je les cachai dans ma chambre, je sortis dans la rue, et je revins, en disant : « La chose a mieux tourné que je ne pensais. Le familier voulait venir après moi pour voir la femme, mais je l’en ai adroitement détourné. » Cyprienne me donna mille embrassades, et un autre poulet pour moi. J’allai avec celui-ci dans l’endroit où j’avais laissé ses compagnons, et je fis faire chez un pâtissier une fricassée que je mangeai avec mes camarades. La gouvernante découvrit la supercherie, Don Diégo la sut aussi, et toute la maison la célébra fort. Pour Cyprienne, elle en eut tant de chagrin, qu’elle manqua d’en mourir, et peu s’en fallut que de colère elle ne révélât mes petites rapines. Mais son propre intérêt la fit taire. Voyant donc que j’étais brouillé avec elle, et que je ne pouvais plus l’attraper, je cherchai d’autres moyens de m’amuser. Je donnai dans ce que les étudiants appellent courir une chose, c’est-à-dire voler en courant, et il m’arriva dans cette sorte de récréation des aventures fort plaisantes.
Un soir que j’étais dans la grande rue vers les neuf heures, lorsqu’il n’y avait déjà presque plus personne, je vis dans la boutique d’un confiseur un cabas de raisins qui était sur le comptoir. Jetant