sucions comme des sangsues. Je gage que l’on serait étonné de la somme d’argent que nous avions à la fin de l’année. Elle était considérable, mais elle n’obligeait pas à restitution, puisque la gouvernante allait à confesse tous les huit jours, et que je ne lui ai jamais vu la moindre disposition ou intention de rien rendre, pas même le plus léger scrupule, quoiqu’elle fut, je puis le dire, une sainte. Elle avait toujours au cou un rosaire, qui était si grand qu’il aurait mieux valu porter un fagot de bois sur ses épaules : il était chargé de médailles, de croix et de dizains de pardon, sur tous lesquels elle disait qu’elle priait chaque nuit pour ses bienfaiteurs. Elle comptait cent et tant de saints pour avocats, et il ne lui en fallait en effet pas moins pour solliciter auprès de Dieu le pardon de tous les péchés qu’elle commettait. La chambre où elle couchait était sur celle de mon maître, et elle y récitait plus d’oraisons qu’un aveugle. Elle commençait par le Juste Juge et finissait, pour me servir de ses termes, par le Conquibules et le Salve Rehila. Elle priait en latin, exprès pour paraître innocente, de sorte que nous étouffions tous de rire. Elle avait d’autres talents, tels que ceux de savoir appareiller des amants, de conduire une intrigue, et de faire adroitement un message. En un mot elle était ce qu’on appelle maquerelle, et pour se disculper auprès de moi, elle me disait que cela lui venait de famille, comme aux gentilshommes la noblesse. Croira-t-on que nous vécûmes toujours en bonne intelligence ? Mais personne n’ignore que
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