d’elle, et nous en imposions ainsi à toute la maison.
Si nous achetions ensemble du charbon ou du lard, nous en cachions la moitié et nous disions, elle et moi, quand nous le jugions convenable : « Messieurs, ménagez un peu, car vous portez la dépense si loin, qu’assurément le revenu du roi n’y suffirait pas. Il n’y a plus d’huile, ou de charbon, tant cela va vite. Faites-en acheter davantage, et je vous jure (ajoutait la gouvernante) qu’on l’économisera tout autrement. Donnez de l’argent à Pablo. » On m’en donnait, et nous leur vendions la moitié que nous avions gardée, en y joignant le surplus que nous achetions. Nous faisions cela pour tout. Arrivait-il par hasard que j’achetasse quelque chose au marché la juste valeur, nous nous querellions exprès, la gouvernante et moi. Elle me disait d’un air courroucé : « Ne me dites pas à moi, Pablo, qu’il y a là pour deux sous de salade. » Je faisais semblant de pleurer, j’allais me plaindre à mon maître, et je le pressais d’envoyer le majordome éclaircir le fait, pour faire taire la gouvernante, qui affectait toujours d’insister. Le majordome y allait, et comme mon achat se trouvait exact, nous nous accréditions de plus en plus auprès de lui et auprès de notre maître. Ils nous savaient gré, à moi de mes achats, et à elle du zèle qu’elle montrait. Don Diégo, content de moi, lui disait : « Plût à Dieu que Pablo fût aussi adonné à la vertu, qu’il est fidèle ! »
Nous les amusions ainsi, pendant que nous les