parce que par une suite d’avarice, il ne la faisait jamais couper. Il alléguait pour raison qu’il détestait si fort de voir les mains d’un barbier sur son visage, qu’il aimerait mieux mourir que d’y consentir. C’était un des enfants pensionnaires qui lui coupait les cheveux.
Les jours qu’il faisait du soleil, il portait un bonnet rongé par les rats et criblé de trous ; on entrevoyait que ce bonnet était de drap, mais il était si chargé de crasse qu’on ne pouvait plus en reconnaître la couleur ni la qualité. Quelques-uns disaient que sa soutane était miraculeuse, parce qu’elle durait toujours et qu’on ne savait pas de quelle couleur elle était. D’autres, la voyant si sale, la prenaient pour une peau de grenouille. Plusieurs lui trouvaient une apparence trompeuse. De près elle paraissait noire, et de loin tirant sur le bleu. Il la portait sans ceinture, et elle n’avait ni col ni poignets. Avec ses cheveux longs et cette soutane mauvaise et courte, on l’aurait cru un valet d’enterrement. Chacun de ses souliers pouvait être le tombeau de Goliath. Il ne souffrait pas une araignée dans sa chambre et il conjurait les rats, de peur que ces insectes ne rongeassent quelques petits morceaux de pain qu’il gardait. Son lit était par terre sur le plancher, et il dormait toujours d’un côté, de peur de trop user les draps. Enfin il était archi-pauvre, et la misère en chausses et en pourpoint. Tel était l’homme sous la direction duquel je me trouvai avec Don Diégo.