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n’ai jamais voulu ni de l’un ni de l’autre. Mon père me disait : « Mon fils, être voleur n’est pas un art mécanique, mais libéral. » Puis poussant un grand soupir, et parlant du talent qu’il avait dans les mains, il ajouta : « Qui ne vole pas dans le monde, n’y vit pas. Pourquoi penses-tu que les huissiers et les juges nous détestent tant ? Souvent ils nous bannissent ; d’autres fois ils nous condamnent tantôt à être fouettés, tantôt à une décoration qu’on devrait réserver aux enfants qui célèbrent la fête de leur saint. Je ne puis le dire sans fondre en larmes (et le bon vieillard pleurait comme un enfant, en se rappelant combien de fois ils lui avaient fait mesurer les côtes), parce qu’ils voudraient que dans les endroits où ils sont, il n’y eût qu’eux et leurs ministres de voleurs. Mais avec de l’adresse on se garantit de tout. Dans ma jeunesse j’allais toujours à l’église, et ce n’était pas uniquement comme un bon chrétien, mais pour mieux masquer ma conduite. Souvent ils m’auraient fait promener sur un âne, si j’avais avoué quelque chose dans la torture. Je ne me suis jamais confessé, si ce n’est au temps que l’Église l’ordonne. C’est ainsi que j’ai soutenu ta mère le plus honorablement qu’il m’a été possible. »

« Comment, tu m’as soutenue ! s’écria-t-elle avec fureur ; car elle était fâchée que je ne m’adonnasse pas à la sorcellerie. C’est moi-même qui t’ai soutenu, qui t’ai tiré adroitement de prison, et qui t’y ai entretenu avec mon argent. Si tu n’as rien déclaré à la question, était-ce par l’effet de ta fermeté, ou