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bles jardins, son génie prenait volontairement part à toutes les grandes entreprises d’embellissement de Paris, qui déja commençaient à se multiplier.

Il s’est conservé de lui, pour l’église de Saint-Sauveur, rue Saint-Denis, un beau projet, qu’on a vu pendant plusieurs années dans les galeries de l’Académie d’Architecture, et dont le modèle a été depuis déposé à l’école polytechnique. On voit, dans ce projet, que M. Chalgrin voulait simplifier le systême des églises chrétiennes, et ramener leur architecture à l’unit de plan et d’ordonnance et à la forme des temples antiques. Entreprise difficile, dont le succès dépend de quelques transactions entre l’usage et le goût, et de plus d’un genre de circonstances indépendantes de l’artiste. Peut-être était-il réservé à l’époque actuelle de la voir réaliser dans l’érection de l’église de la Madeleine, dont nous allons devoir l’achèvement au goût clair du Roi, qui vient de fixer enfin le sort de ce édifice, trois fois entrepris, changé, détruit, et recommencé, dans l’espace de quarante ans.

Telle est la destinée des grands monumens livrés aux vacillations de l’esprit de mode ; et telle elle sera par-tout où des causes puissantes n’auront pu imprimer et assigner à chaque genre d’édifice ces types caractéristiques qui, comme dans les œuvres de la nature, admettent la variété sans permettre le changement ; qui se prêtent aux inventions du génie en repoussant les écarts du caprice, guident l’artiste sans l’enchaîner, rassurent la raison contre les attaques de l’esprit novateur et protègent l’imagination contre la tyrannie de la routine.

Servandoni venait de mourir avant d’avoir achevé l’exécution de son grand frontispice, et déja de nouvelles combinaisons se disputaient le droit d’en changer la composition. Les tours furent continuées d’après de nouveaux dessins, et méritèrent bien de n’être pas achevées. Il était dû à M. Chalgrin de venger la mémoire de son premier maître et de rétablir l’harmonie