Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(85)

hommes assez ignorans pour planter des points de vue, pour commander des aspects à la nature, pour édifier du pittoresque, et ordonner le désordre ; comme si le désordre pittoresque n’était pas un écart des lois de la nature ; et comme si la nature était plus facile à imiter dans ses écarts que dans ses règles. Tous ces effets de commande avertissent l’âme du projet de la surprendre ; dès-lors, plus de surprise. Ces causes, étrangères à l’Art, doivent agir sans lui et à notre insu : il ne faut ni les contrarier, ni les rechercher ; et de toutes les manières d’en manquer les effets, la plus sûre est de les feindre.


De ce genre d’effets est celui qui, dans les monumens, résulte de leur antiquité.

L’idée de l’ancienneté imprime aux monumens, comme aux hommes, un caractère de respect et de vénération. Nous admirons en eux celle prédilection du sort qui les a sauvés de la main du temps ; ils nous semblent privilégiés ; le fait seul de leur conservation les rend pour nous des objets merveilleux. L’imagination rassemble facilement sur eux un nombre infini de rapports qui nous transportent presqu’en réalité à l’épo-