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de Michel-Ange, encore exposés là, font croire à sa présence, où tout parle de lui, où il semble qu’il va parler lui-même.

Noble et heureux emploi des ouvrages de l’Art, que celui où l’importance et la dignité de leur motif va jusqu’à faire oublier la valeur de leur exécution ! J’en prends à témoin tous ceux qui ont visité ce beau monument consacré par la peinture à la peinture elle-même. Tant de nobles impressions s’emparent de notre âme, tant d’idées généreuses touchantes, élevées, la préparent à l’admiration, que l’esprit de critique n’oserait venir là troubler la jouissance du sentiment.

Est-ce donc peu de chose que cet effet des affections morales qui embellit l’ouvrage de l’Art, et va jusqu’à voiler ses faiblesses ? Laissons l’artiste exercer sur lui-même la rigueur d’une censure salutaire. Laissons-le porter en tout cet œil sévère qui dénonce les moindres fautes, qui refuse l’indulgence et n’admet ni grâce ni excuse. J’approuverai même qu’il dédaigne toute parure étrangère du fond de son Art, qu’il regarde ces secours extérieurs comme les appuis de la faiblesse, comme le dédommagement artificieux du mérite et des qualités dont on manque. Cette profession d’austérité de sa part n’est qu’un engagement contracté