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qu’il faut leur donner ou leur conserver ; voilà l’illusion qu’il faut leur accorder. Cette illusion est celle qui n’appelle à son aide que le concours des affections morales, celle qui, donnant à l’ouvrage un rôle nécessaire, détermine la nature de son action, et en renforce le jeu, par tous les moyens de séduction qui enveloppent le spectateur.

J’en appelle ici à l’artiste lui-même, lorsque, libre dans sa pensée, il se plaît à former l’idée de la beauté que son Art va produire, lorsqu’arbitre souverain des causes et des effets, il dispose de tous les moyens au gré de son imagination. Avec quelle complaisance ne réalise-t-il pas en idée tous ces charmes accessoires autour de son idole ! Avec quel soin il lui prépare ce cortège d’accompagnemens dont je parle. Tantôt il le place sous un bosquet que l’amour a tissu de myrtes et de roses. Tantôt il lui bâtit un temple qu’un bois sacré précède : les portes entr’ouvertes excitent le désir d’y pénétrer. Au dedans brille l’or, l’ivoire et la pourpre. Un voile mystérieux cache sa divinité. Au son des accords sacrés tombe le voile, l’encens fume, et au milieu des vapeurs d’un nuage religieux brille tout-à-coup la déesse. Telles, dans les sanctuaires d’Amathonte et de