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Ce n’est que par hypothèse, ou par fiction ou par le moyen d’une froide réminiscence, qu’il est possible d’éprouver, au milieu des collections d’ouvrages d’Art, l’effet moral de ces impressions heureuses qui, s’identifiant avec celles de la nature, font disparaître la main de l’art sous le charme d’une illusion sentimentale. Tout ici, au contraire, vous parle de l’Art et de ses ressorts, des secrets de la science, des moyens de l’étude ; tout ici vous tient en garde contre la séduction. La curiosité et la critique sont là pour empêcher les émotions d’arriver jusqu’à l’âme ou d’y pénétrer.

Et quelles impressions (je parle de celles que produit et reçoit le sentiment) peuvent faire des ouvrages tellement pressés, et tellement mêlés, qu’aucun ne peut, s’adresser seul au spectateur, ni au spectateur seul ? Comment pourrait-il se produire des impressions là où tout est nécessairement distraction ? Quel objet serait capable d’agir sur l’âme, lorsque tant d’objets divers se disputent nos sens ? Quand le raisonnement même nous forcerait d’accorder que des morceaux, tout étrangers qu’ils sont devenus à leur destination, sont encore virtuellement capables de produire leurs anciennes impressions, qu’importe cette capacité sans