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l’être ; et comme c’est par le sentiment que jouit l’ignorant, on craindrait de le paraître, si l’on faisait profession de sentir. Comment d’ailleurs recevoir des impressions, quand on connaît de trop près les secrets qui les produisent, et quand on a placé le plaisir dans la connaissance de ces secrets ? Personne alors ne veut plus rester au théâtre ; on veut assister à la pièce dans les coulisses : on ne veut plus jouir de l’Art ni de ses effets, mais juger, parce que juger en ce genre, c’est jouir par le raisonnement.

Tel est l’effet infailliblement produit, à l’égard des Arts d’imitation, et de ceux qui en jugent, par l’excès des collections d’ouvrages qui, déplacés et enlevé à leurs anciennes destinations, ne sont plus que des sujets de critique, de simples objets d’observation pour l’esprit. Le public perd de vue, au milieu de ces collections, les causes qui firent naître les ouvrages, les rapports auxquels ils étaient soumis, les affections avec lesquelles ils demanderaient à être considérés, et cette multitude d’idées morales, d’harmonies intellectuelles qui leur donnaient tant de moyens divers d’agir sur notre âme.

Mais tout ce qui dérange les rapports des objets faits pour s’adresser à nous modifie aussi les impressions