Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(47)

est le flambeau qui éclaire, mais non le feu qui vivifie.

L’esprit de critique dominant dans les Arts n’est autre chose que le pouvoir exclusif de la raison sur des objets essentiellement tributaires du sentiment.

Les collections, dit-on, ont la propriété de faire des amateurs éclairés qui apprennent à distinguer les âges, les écoles de l’Art, les manières de faire particulière à chaque maître. Quelques-uns, je l’accorde bien encore, y apprendront à raisonner sur certaines qualités techniques, sur quelque partie de la théorie sur les causes des défauts ou des beautés de l’ouvrage. Mais pour quelques bons juges, combien de critiques incomplets s’habituent à n’apprécier qu’avec l’esprit les opérations du sentiment, portent le découragement chez les artistes, en leur inspirant la crainte de faire des fautes, au lieu de leur donner cette hardiesse qui les fait excuser ! À tout prendre, l’artiste a moins besoin de juges éclairés que d’amateurs passionnés. Le public, pour lequel il lui faut travailler, est le public qui sent, et non celui qui raisonne.

L’amour et la passion des ouvrages de l’Art, voilà ce qu’il importe de développer et d’exciter chez un peuple, pour fortifier chez l’artiste la puissance créatrice, qui réside dans le sentiment. Si quelque