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dès-lors l’espoir de chefs-d’œuvre nouveaux s’évanouit de plus en plus.


Mais de tous les inconvéniens attachés à l’abus des collections, le plus grand est celui de faire naître et de propager, à l’exclusion de tout autre, l’esprit de critique, esprit stérile et froid, qui, porté trop loin dans le règne des Arts, y devient le principe destructeur du goût et du sentiment. L’esprit de critique dont je parle, procède de cette faculté qu’on appelle le raisonnement, organe propre à l’examen des choses faites, mais qui, par lui-même, est incapable de faire ou de produire. Cultivé dans une juste proportion avec cette autre faculté qu’on nomme sentiment (organe propre à produire plus qu’à examiner), le raisonnement rectifie, redresse les opérations de l’esprit ; mais il est incapable de lui donner ni l’action ni la vertu créatrice. La faculté qui raisonne est, de sa nature, improductive. Appliquée exclusivement ou sans réserve à la direction des plaisirs de l’Art, comme des institutions de la société, la raison détruit et ne rebâtit point, elle efface et ne remplace pas, elle produit des systèmes, et néglige les conséquences ; elle dit les fautes, mais ne dicte pas les beautés ; elle