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aux arts. C’est que sur ce point, comme sur tout autre, l’excès des jouissances en amortirait le sentiment. Au moral ainsi qu’au physique, le goût s’émousse par l’habitude de sensations trop vives ou trop fortes. Celui qui ne verra qu’une élite de chefs-d’œuvre, perdra bientôt le sentiment de leur valeur. Ces chefs-d’œuvre, rassemblés en trop grand nombre, courront le risque de paraître des objets vulgaires, le public leur portera moins d’admiration. La privation des degrés de mérite inférieurs, ne présentant plus à l’œil et à l’esprit cette échelle de comparaison qui fait évaluer les distances, le plus grand nombre des juges cesse de comprendre ce qui fait la difficulté, et tout à la fois le prix des ouvrages ou des talens supérieurs. Toute idée de relation se perd dans cet unisson. Bientôt arrive une sorte d’indifférence pour le beau, l’organe usé ne reçoit plus que des impressions faibles, qui laissent distinguer à peine le bon du médiocre.

La nature a voulu que le médiocre et le pire eussent leur utilité, dans l’échelle des points de comparaison qui servent à apprécier le bon. Pourquoi n’en arriverait-il pas ainsi dans le règne de l’imitation ? On ne prétend pas par-là encourager les productions médiocres. Certes, on sait assez