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destinés à un emploi public sont livrés publiquement à la critique du sentiment, qu’exercent des juges mis en rapport avec le but que l’artiste s’est proposé. Le goût qui n’apprend à juger que dans les cabinets, ressemblera au talent qui travaille pour eux. C’est une nécessité que l’amateur juge comme l’artiste a exécuté. Ce qui a été fait sans le sentiment moral d’une destination utile, est reçu et jugé de la manière dont s’apprécient en tout genre les objets inutiles.

Or, peut-on mieux proclamer l’inutilité des ouvrages de l’Art, qu’en annonçant dans les recueils qu’on en fait la nullité de leur emploi. Les enlever tous indistinctement à leur destination sociale, qu’est-ce autre chose, sinon dire que la société n’en a pas besoin ? Et cependant, par une contradiction singulière, on prétend que c’est pour l’avantage des Arts et des artistes. Mais quel est donc cet avantage des artistes et des arts, qui n’est pas l’intérêt de la société ? Les uns et les autres n’existent-ils pas pour elle et par elle ?

Le but de tous ces rassemblemens d’ouvrages convertis en prétendus objets d’étude est, dit-on, de former des artistes qui, à leur tour, feront des ouvrages, apparemment pour augmenter ces rassemblemens. Cercle vicieux, véritablement bizarre (si