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qui signifie que le vrai talent est un composé de science et de sentiment.

C’est fausser la destination morale des Arts et de leurs ouvrages, que de leur donner pour but unique celui de satisfaire les savans, ce qui en définitif signifie exclusivement les artistes eux-mêmes. Mais les ouvrages des Arts ne sont point faits pour les artistes. J’irai jusqu’à dire que, si ceux-ci pouvaient être seuls juges de leurs travaux, seuls arbitres de la bonté des productions, seuls organes de l’opinion en ce genre, les Arts et le goût y perdraient plus qu’on ne pense.

Ceci a besoin d’explication. Rien ne semble effectivement plus désirable aux artistes que de travailler pour ceux qui sont le plus en état d’apprécier leur talent. J’en conviens ; et j’avoue encore que le suffrage des artistes serait le seul équitable, le seul digne d’envie, si tous réunissaient le mérite de la science et le don du sentiment. Malheureusement l’expérience prouve que la réunion des deux qualités est le partage du petit nombre. Bien plus, il faut dire qu’il est dans la nature des artistes de juger en artistes, c’est-à-dire de faire prévaloir dans leurs ouvrages, le mérite du savoir et de l’exécution. Au contraire, il est dans