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prochant trop le but, diminuent l’effort. Chacun ne regarde qu’autour et à côté de soi. Plus de hardiesse dans la pensée, plus de caractère propre. De là, ces générations abâtardies d’ouvrages sans originalité.

J’ai entendu alléguer, en faveur du genre d’encouragemens ou de travaux qu’on appelle libres, cette indépendance dont on dit que le talent est jaloux, et dont on prétend qu’il n’use pleinement que lorsqu’il traite des sujets sans destination. Oui, je conçois que le talent repousse les lisières et toutes les contraintes d’une direction avilissante ; je conçois qu’il veuille marcher seul, et avec toute la liberté qui convient à son action : mais c’est se méprendre sur l’idée de la liberté en ce genre, que de la croire gênée par une destination prescrite à l’ouvrage. Puisque la condition de tout ouvrage doit être d’en avoir une semblable, et puisque la vocation du talent est de la remplir, comment le génie se trouverait-il comprimé par la cause même qui le développe ? Je ne sais ; mais il me semble que la prétendue liberté des travaux dont il s’agit, ressemble beaucoup trop à celle qu’accorde l’indifférence.

Fâcheuse liberté que celle-là. Combien ne citerait-on pas d’emplois difficiles, et qui n’ont servi