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persuade encore mieux combien il importerait de soustraire les Arts à cette vicieuse méthode de les envisager et de les pratiquer. C’est peut-être, plus qu’on ne le pense, à cet abus de l’opinion qu’on doit la monotonie habituelle de manière que les artistes contractent naturellement, lorsque, bornés à la petite émulation, qui est celle de l’école, ils ne se donnent d’autre horizon que celui de leurs voisins, d’autre tâche que celle d’y atteindre. Les études de l’école sont utiles, mais il ne faut pas que ses erremens s’étendent au-delà de son enceinte. On peut toute sa vie étudier dans les ouvrages qu’on fait, pourvu qu’on ne fasse pas toute sa vie des ouvrages pour étudier. Surtout il ne faut point qu’on voie reparaître dans l’âge d’un talent qui doit être formé les petites prétentions d’une ambition scholastique, cette habitude de ne se comparer qu’à d’anciens condisciples ; chacun doit enfin marcher avec son allure, et voler de ses ailes.

Or, rien n’entretient tant les habitudes rétrécies dont je parle que ce genre de travaux sans destination, dans lesquels l’artiste, dénué de toute autre perspective, n’imagine rien de mieux que d’en faire des objets de parallèle avec ceux de ses émules ou de ses maîtres. Ces travaux, en rabaissant l’ambition, rapetissent le talent, et en rap-