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vain. Oui, l’application spéciale de l’ouvrage d’Art à un emploi déterminé est pour l’artiste ce qu’est la représentation scénique pour le poète dramatique. Ce n’est que de nos jours qu’on a imaginé des drames pour la lecture, et des cabinets pour les ouvrages des artistes vivans.

Je demande si le lieu où l’on parle, si la qualité des auditeurs, si le genre du sujet, ne déterminent pas les qualités de l’éloquence. Je demande si le discours de l’orateur, qui n’est autre chose que l’expression des sensations qu’il éprouve, ne reçoit pas de ces circonstances, des modifications variées ; et je le demande encore, y a-t-il pour l’orateur quelque moyen de supposer, de suppléer ou de feindre une disposition dont l’influence détermine et l’ordre de ses pensées, et la forme de son style, et le caractère de ses mouvemens ? Que l’on compare à cette éloquence, inspirée par la nécessité ou la nature des choses, ces déclamations compassées de l’Art du rhéteur, on aura la distance qui sépare les ouvrages de l’Art inspiré par l’importance de leur emploi, d’avec ces productions de commande sans objet, corps presque toujours sans âme, simulacres vides, privés d’action, de sentiment et de vie.

Faire vivre les Arts, c’est rendre leurs ouvrages