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appréciation des convenances, que le sentiment du ton propre et de la mesure de chaque sujet, doivent résulter autant de la connaissance des rapports de l’ouvrage avec une destination précise, que de la prévoyance des impressions que cette destination est appelée à produire. Généralement, tout ouvrage dénué de la perspective d’un emploi moralement utile ne saurait procurer à l’âme de l’artiste, ou du spectateur, cette passion qui exalte le talent de l’un et l’admiration de l’autre.

Oui, ces causes, en apparence étrangères à l’Art, agissent plus qu’on ne pense sur le génie l’artiste. L’opinion qu’il se fait de la destination de son ouvrage, lui impose l’obligation de le mettre d’accord avec les effets que le public est en droit d’en attendre. Est-ce que la pensée ne s’agrandit pas ? est-ce que l’effort ne se double pas, par la nécessité de se mettre au niveau d’une destination noble et relevée ? S’il n’est pas indifférent à l’orateur et au poète de connaître ou d’ignorer les scènes où leurs compositions doivent se produire, l’artiste a encore plus besoin de savoir quel est le théâtre destiné à recevoir son ouvrage. Hérodote, en composant son histoire, se croyait en présence de l’assemblée des jeux olympiques, et le public est toujours devant les yeux de l’écri-