Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(23)

ouvrages, une puissance d’amour que rien ne supplée, et qui est elle-même le supplément de beaucoup de facultés.

On les reconnaît, ces heureuses productions, fruits d’une sensibilité profonde, à cela surtout, que ce qui est le but des efforts du grand nombre, le mérite de l’exécution, y semble être né sans peine et de soi-même, semble n’y être qu’un moyen facile entre l’âme de l’auteur et celle du spectateur. Les difficultés de l’Art semblent avoir disparu, avoir cédé à une puissance supérieure. Dans ces beaux ouvrages, la science ne vous frappe qu’après que le sentiment de l’auteur vous a touché, et de la manière propre aux grands écrivains, chez qui la beauté du fond nuit en quelque sorte à l’admiration de la forme.

Cette manière est celle du génie dans tous les genres. Quand une grande force de tête, ou une sensibilité profonde, caractérisent l’artiste, ses ouvrages, produits d’une intelligence supérieure, ou d’une âme passionnée, y sont doués de la prérogative de maîtriser notre entendement, ou de subjuguer notre cœur. On les admire, on les aime par force ou par passion, c’est-à-dire, sans vouloir se rendre compte des raisons qui leur donnent sur nous cet empire : c’est le signe du véritable