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consistaient dans des procédés mécaniques, qu’il importe de ne pas laisser tomber en désuétude, on consacre à leur soutien, de même qu’à celui d’une manufacture, des sommes qu’on échange contre leurs produits. Ainsi, on commande à l’artiste des tableaux et des statues sans destination, comme on commande au fabricant des fournitures de vases ou de meubles, auxquels on cherchera un emploi.

Mais ce meuble, ce vase, n’ont aucun rapport avec nos affections morales. Qu’importe à l’ouvrier sa destination ? Son art se réduit à une perfection mécanique : s’il l’a donné à son travail, il a rempli son objet, et en recevant l’ouvrage, l’acquéreur reçoit l’équivalent de sa dépense.

En est-il ainsi des productions du génie ? suffit-il de les commander pour les obtenir ? et les obtient-on avec de l’argent ? Non, c’est au sentiment de l’artiste qu’il faut les commander, et le sentiment seul commande au sentiment. Si vous n’intéressez point ce principe créateur des belles choses, si vous ne stimulez point ce noble désir de perfection, qui est l’âme du talent, le talent restera inerte. Comme il y a deux qualités dans l’art, il y a deux facultés dans l’artiste : l’une mécanique, l’autre morale. Il convient sans doute de s’adresser à celle qui a le plus besoin de l’autre. Or la