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de l’imitation ; aucune destination moralement utile n’y aurait établi de rapports avec les besoins, avec les affections publiques de la société. Les yeux, prompts à se lasser des objets muets pour le cœur et pour l’esprit, solliciteraient de nouveaux plaisirs aussitôt usés qu’obtenus. Bientôt la monotonie d’une stérile variété persuaderait que le génie est épuisé, et tout un siècle aurait passé, sans presque léguer en ce genre, au siècle suivant, un monument honorable de son existence.

Tel serait l’effet de l’opinion dépravée, qui, assimilant les Arts d’imitation à ceux d’une industrie frivole, ferait perdre de vue la destination morale des Arts et de leurs ouvrages, ainsi condamnés à ne devenir que des objets de luxe.

Pline s’élevait de son temps, chez les Romains contre cette fatale influence de l’esprit de luxe sur la destinée des Arts. Depuis qu’on ne les destine plus, disait-il, à être la représentation de l’âme, l’artiste néglige aussi la représentation du corps : Artes desidia perdidit ; et quoniam animorum imagines non etiam corporum. Ainsi selon lui, la perfection corporelle de l’imitation dépendait de sa destination morale. Effectivement dès que la beauté du corps où le beau physique est le vrai moyen de rendre sensible le beau moral,