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teurs. Ces touchans accords, ces accens plaintifs d’une douleur religieuse pénètrent vos sens et s’emparent de votre âme ; je l’accorde : mais ont-ils bien là ce pouvoir de vous transporter au pied de la croix, de vous faire assister aux angoisses de la Mère du Sauveur ? Je vous le demande ; ne se peindrait-elle pas chez vous avec plus de vérité et d’énergie encore, cette scène de douleur, si vous entendiez cette musique dans un lieu, et avec des dispositions propres à favoriser l’ébranlement de votre imagination ? Lorsque trop de circonstances opposées au but que se propose le tableau, viennent détourner la faculté imaginative de se mettre en accord avec lui, n’est-il pas vrai que ses impressions sont moins vives et moins profondes ?

Qu’est-ce donc, dans les ouvrages, que cette beauté qu’on appelle positive, si ses effets ne le sont point ? Avouons-le, c’est se méprendre sur l’essence et le pouvoir des Arts, que de leur demander des effets constans et déterminés, et d’en attendre des impressions indépendantes des lois de la sympathie : il n’y a que les rapports géométriques qui soient toujours et paraissent toujours les mêmes. Mais quoi ! y a-t-il donc un plaisir, même sensuel, qui ne dépende des dispositions