Après les tribulations que l’amour-propre blessé de quelques écrivains nous a suscitées, et, dont bien à tort, on a prétendu que nous tirions vanité, est-ce imprudence, est-ce défi de publier une seconde édition des Supercheries littéraires dévoilées ? Ni l’un ni l’autre. Nous avons entrepris naguère de faire, autant que possible, la lumière dans notre histoire littéraire, et malgré les difficultés et les dangers que présentait cette tâche, nous l’avons courageusement poursuivie. Sauf deux critiques, peu sérieux, de la première édition, tous les bibliophiles, ainsi que les hommes honorables de la presse, ont accueilli nos recherches avec assez de bienveillance pour nous engager à persévérer.
Que des écrivains vivants aimant, par goût ou par nécessité, à s’entourer de mystère, blâment la tendance de notre publication, notre application à arracher les masques, cela se conçoit : mais nous leur dirons que ce n’est pas nous qui avons créé le genre. Depuis 1670 (il y a près de deux siècles) que parut le premier ouvrage dévoilant les anonymes et pseudonymes, celui de Fréd. Geisler, combien de travaux semblables ont été publiés jusqu’à nos jours, d’abord en Allemagne, ensuite en Italie ; en France, pour la première fois par Adrien Baillet, qui fit paraître, en 1690, ses Auteurs deguisez ; en Suède, et tout récemment en Belgique et en Russie ! C’est que la recherche des auteurs anonymes et pseudonymes est la plus attrayante partie d’une spécialité des connaissances humaines, spécialité qui n’offre pas en général de grands charmes à ceux qui s’en occupent, la Bibliographie. Qui donc a songé à jeter du blâme sur ces publications ? Ne les a-t-on pas, au contraire, trouvées très-utiles pour l’histoire littéraire des nations où elles ont vu le jour ? Pourquoi n’aurions-nous pas essayé de faire pour la littérature française des quatre derniers siècles ce que l’on a fait en d’autres pays depuis près de deux siècles, si l’utilité en était démontrée ?
Les Supercheries littéraires dévoilées n’étant point un pamphlet, nous avons eu un instant l’idée d’en changer le titre en ceux d’Arcanes ou d’Indiscrétions, ou de Mystères, trouvant le premier trop agressif ; mais des amis nous ont donné le conseil de n’en rien faire. — Le fond et la forme fussent restés les mêmes, il n’y eût eu que l’enseigne de changée. C’est sous le titre de Supercheries que notre ouvrage a été connu, qu’il a fait son chemin dans le monde des bibliophiles, et nous croyons devoir le conserver. Une supercherie en littérature, sauf certaines exceptions, est chose si minime, très-souvent si licite, qu’en la dévoilant on ne peut porter atteinte à la considération de personne.
Aux écrivains portant la susceptilité à l’extrême, qui néanmoins verraient dans nos révélations des blessures faites à leur personnalité, nous répondrons qu’il y aurait un livre qui, s’il était fait, serait bien autrement déplaisant : ce serait un Dictionnaire de tous les auteurs français, présentant les variations religieuses, politiques et littéraires de beaucoup d’entre eux, seulement à l’aide du sec énoncé