fallait perfectionner, et le point de départ d’une œuvre plus approfondie. Il ne cessa de réunir de nouveaux matériaux, relevant tous les pseudonymes que lui fournissaient des lectures continuelles. En 1864, il se regarda comme assez maître de son sujet pour pouvoir entreprendre la publication d’une seconde édition ; il l’annonçait comme devant former cinq volumes ; il reproduisait ce qu’il avait déjà publié, en ajoutant quelques indications nouvelles à certains articles et en intercalant un très-grand nombre de noms qui paraissaient pour la première fois. La première livraison de ce livre, qui avait déjà réuni de nombreux souscripteurs, venait de paraître (elle s’arrêtait au mot AMATEUR), lorsqu’une mort inopinée vint surprendre Quérard la plume à la main ; il laissait en épreuve la préface destinée à sa seconde édition et la première feuille de la deuxième livraison ; il laissait aussi de très-nombreux dossiers de notes classées alphabétiquement, fruit de recherches qu’il n’avait pas interrompues un seul instant. Jamais existence n’a été plus fidèlement consacrée au travail.
Il était à craindre que ces précieux matériaux ne fussent perdus pour la science ; ils pouvaient périr obscurément, tomber dans les mains d’un propriétaire qui n’en apprécierait pas la valeur ou qui les soutrairait aux regards ; alors les faits si nombreux, si intéressants pour l’histoire littéraire, rassemblés au prix de tant d’efforts et de dévouement à une idée dominante, restaient comme non avenus. Cette pensée nous amena à faire, au mois de juillet 1866, l’acquisition des papiers trouvés dans le cabinet de Quérard. Ce fut de notre part un acte tout de dévouement à la science des livres, science qui, depuis trente ans, est le but de nos études et de nos humbles travaux ; nous voulions rendre à la mémoire de l’auteur des Supercheries l’hommage qui devait lui être le plus agréable ; nous tenions à faire connaître ce qu’il avait accompli depuis une quinzaine d’années, et dans ce but, nous prîmes la résolution de publier un supplément à la première édition, supplément qui ne devait contenir que des articles nouveaux. Nous fîmes même imprimer, conformément à cette idée, une partie de ce qui regarde la lettre A ; mais nous n’avons pas tardé à reconnaître que ce plan était défectueux, et, revenant sur nos pas, nous avons, de concert avec quelques critiques dont l’autorité est du plus grand prix, résolu de réimprimer fidèlement la première édition, en y joignant des additions aussi nombreuses qu’intéressantes (nous aimons du moins à le croire).
Nous nous sommes cependant écarté sur un point du plan adopté par Quérard dans sa seconde édition ; il a placé dans l’unique livraison qu’il lui a été donné de faire paraître les ouvrages publiés sous des pseudonymes dont il n’avait pu soulever le voile : nous avons cru devoir les retrancher ; leur présence eût augmenté dans une proportion considérable, et sans grand profit pour la science, l’étendue d’une publication qu’il faut savoir renfermer dans de sages limites.
La littérature française contemporaine était le domaine favori de Quérard ; il connaissait bien celle du dix-huitième siècle, mais il n’avait dirigé que d’assez faibles recherches sur les productions des périodes antérieures ; nous nous sommes efforcé d’introduire à cet égard des articles nouveaux puisés aux sources les plus accréditées ; un dépouillement attentif du Manuel du Libraire nous a fourni d’utiles indications, qui se sont multipliées grâce à la lecture d’un grand nombre de catalogues et de livres de bibliographie.
De nos jours, les pseudonymes forment une foule bigarrée, aussi confuse que nombreuse, grâce à l’habitude contractée à cet égard par les écrivains de la petite presse. Tels d’entre eux ont jusqu’à huit ou douze noms différents. Nous avons signalé quelques-uns de ces masques, mais nous avons jugé fort superflu d’essayer d’être complet ; l’entreprise était impossible d’ailleurs : elle était à recommencer chaque matin ; ne s’agit-il pas d’articles éphémères jetés dans des feuilles légères qui disparaissent avec la plus grande rapidité ? Cette littérature reste à peu près étrangère à l’histoire littéraire, et c’est le livre surtout qui doit nous occuper.
Nous avons cru devoir, dans notre édition nouvelle, distinguer exactement les pseudonymes et les anonymes. Il s’agit là, en effet, de deux classes tout à fait différentes.
Barbier avait compris dans son Dictionnaire les ouvrages sans nom d’auteur et les ouvrages publiés sous des noms supposés ; il avait raison, puisqu’il n’y avait alors aucun travail spécialement consacré aux pseudonymes ; mais aujourd’hui ce travail existe, et notre devoir était de rendre aussi complète que possible l’édition que nous en publions. Nous avons extrait du Dictionnaire de Barbier tous les ouvrages publiés sous des pseudonymes, pour les faire entrer dans le livre de Quérard, De cette façon, le Dictionnaire ne