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RÉCITS DU LABRADOR


LE RAGOÛT DE LUDIVINE


J’ai connu une très honnête femme qui s’appelait Ludivine.

Elle habitait un poste de pêche de la Côte nord du golfe Saint-Laurent.

C’était la femme d’un pêcheur de morue. Elle excellait à confectionner le potage au poisson et le ragoût de moniac (canard eider). Nul au monde, paraît-il, ne connaissait aussi bien qu’elle l’art de doser, en de justes proportions, les substances qui assaisonnent ces deux plats et les rendent irrésistibles au palais des planteurs de notre Labrador.

Sa réputation s’étendait aussi, il est bien vrai, jusqu’à la soupe aux pois ; mais, sur ce point, il s’élevait quelques doutes, et Édesse, l’une de ses rivales, allait même jusqu’à prétendre qu’elle n’y entendait rien. Je passerai donc sans insister sur ce dernier mets, dont les manifestations diatoniques incontestées tenteraient la plume élégante d’Armand Sylvestre, s’il en connaissait toutes les nuances autrement que par ouï-dire.

Il y avait si longtemps que je voyais le