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RÉCITS DU LABRADOR

bord, tout est arrimé avec soin et l’on se met à scier la glace qui sépare encore le petit navire de la haute mer, où vagabondent au gré des vents et des courants les banquises qu’il faut explorer. Puis chacun entend la messe, se confesse, communie et à Dieu-vat !

Le départ des chasseurs s’effectue généralement vers le 15 mars, et presque toutes les goélettes de la Pointe aux Esquimaux et de Natashquan prennent le large en même temps. Une fois en haute mer, chaque capitaine suit son inspiration et va de son franc bord où Dieu le guide. Les uns se dirigent vers le détroit de Belle-Isle, les autres mettent le cap sur l’archipel de la Magdeleine, quelques-uns croisent dans les parages d’Anticosti, tous parcourent le golfe, suivant les brises, à la recherche des glaces qui servent de refuges aux loups-marins.

Cette navigation n’est pas sans périls. Quelquefois les goëlettes sont resserrées entre les banquises, et, impuissantes à se dégager, elles sont entraînées lentement vers l’océan. Alors les chasseurs sont contraints de se nourrir des parcelles de viande restées attachées aux graisses embarquées à bord, ou obligés d’abandonner le navire et de gagner la terre ferme en franchissant les banquises et en charroyant