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RÉCITS DU LABRADOR

tant sur la lame, le mât devenait horizontal, et je ne pouvais comprendre comment elle ne se renversait pas sur nous.

— Philippe ?

— Monsieur !

— Nous allons boire un coup, te dis-je !

— Non, monsieur.

Et sa figure calme et souriante commençait à m’exaspérer. Je cessai un moment de rejeter l’eau pour le regarder plus attentivement. Il semblait naviguer dans une cuvette et tout aussi à l’aise qu’au seuil de sa maison. Il devait tout de même comprendre le danger mieux que moi encore. En tout cas, il n’y paraissait guère.

Tout à coup il m’interpella à son tour.

— Monsieur ?

— Philippe !

— Il faut larguer le canot. Il est temps.

Je me précipitai à la touée et parvins, non sans difficulté, à la scier. Adieu-vat ! Le canot disparut sur-le-champ. La chaloupe, moins gênée, se releva plus allègrement à la lame et nous nous mîmes à filer plus rapidement.

— Monsieur ?

— Philippe !

— Mettez la main sur l’écoute. Le vent va virer. Je le vois qui vient.

Quelques instants après, la brise arrivait, en effet, de la rivière Natashquan.