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RÉCITS DU LABRADOR

cigarette. Tout cela manquait de gaieté.

Les lames s’amoncelaient, de plus grosses en plus grosses, et chacune d’elles exigeait une attention de chaque seconde et un coup de barre spécial pour la prendre de l’étrave à la joue. J’étais éreinté.

— Philippe ?

— Monsieur !

— Je ne suis plus capable d’étancher.

— Prenez la barre, monsieur.

Je pris la barre, et Philippe se mit à vider à son tour.

— Philippe, c’est la Pointe-aux-Anglais ?

— Oui, monsieur.

— La mer grossit encore ?

— Oui, monsieur.

— Le vent se hale de plus en plus du sud ?

— Oui, monsieur.

— Je crois que nous sommes f… lambés.

— Non, monsieur.

— Comment, non ?

— Non, monsieur.

Je le crus fou. Cependant le plongeon me paraissait inévitable, et je me connais en plongeon. La côte était assez loin de nous, à deux milles peut-être, et, au milieu de la mer démontée, le trajet à la nage jusqu’à terre ne devait pas être un voyage d’agrément. Quant à mon engagé, son affaire était claire. Il se noierait, c’était