Page:Puyjalon - Récits du Labrador, 1894.djvu/144

Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
RÉCITS DU LABRADOR

dien le nom de petite Californie, qu’il méritait à tant de titres il y a douze ou quinze ans. Mais revenons au maquereau.

Il est essentiellement sociable et — n’en déplaise à ceux qui le connaissent mal — ses mœurs sont pures.

Les anciens se faisaient un jeu de le voir mourir et d’admirer les changements de couleur que provoquaient sur lui les approches du dernier soupir. Le peuple, surtout, se délectait à ce spectacle, laissant aux grands les joies plus coûteuses que leur causait l’agonie de la dorade aux écailles d’or.

Les Grecs, qui dressèrent des statues au cerf Actéon, au dindon Maléage et à tous les hommes qui, par leurs aptitudes, méritèrent d’être métamorphosés en bêtes, négligèrent de lui élever un seul monument. Cette noire ingratitude ne fut point consacrée par la mythologie. Elle ne l’oublia point, et l’on raconte que Mercure, dieu de commerce et des voleurs, empruntait volontiers la forme de ce poisson délicieux, lorsqu’il avait à accomplir quelque mission aussi délicate que secrète, à l’insu de Junon et pour le compte de son époux, le roi des des dieux et de l’Olympe.


HENRY DE PUYJALON.