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RÉCITS DU LABRADOR

sa dépouille est le couronnement d’un repas exquis, et l’on ne peut être plus mollement et plus chaudement couché pour se livrer à une sieste si dignement provoquée.

Les autochtones, comme presque tous les peuples primitifs, étaient convaincus qu’en mangeant certains animaux ils s’incorporaient les qualités qu’ils reconnaissaient et appréciaient en eux. C’est ainsi qu’en se nourrissant de la chair de l’opossum, ils en acquéraient la prudence ; qu’en digérant une queue de castor, ils s’en assimilaient la sagesse ; qu’en dévorant un renard, ils augmentaient leur subtilité naturelle.

Je suis bien loin de repousser cette croyance. J’y trouve l’explication du retour à la plus pure philanthropie et à la manipulation de toutes les vertus des employés de la compagnie de la Baie d’Hudson. Je crois, en effet, me rappeler qu’à la factorerie d’York ou de l’Orignal, les sauvages ou les Esquimaux sont tenus de fournir aux officiers de cette compagnie trente mille outardes par saison, — vous m’entendez bien, trente mille outardes !

C’est, sans doute, en mangeant ces pauvres bêtes que messieurs les agents de la célèbre compagnie — et, par extension, la