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RÉCITS DU LABRADOR


LE LIÈVRE


Parler encore du Labrador prouve un entêtement que j’oserai stigmatiser de méritoire. Depuis bientôt vingt ans que je le décris, que je l’exalte, que je l’aime, je n’ai fait encore qu’un seul prosélyte.

Tous les étés le retrouvent sur la côte, et, s’il n’y a point encore affronté l’hiver, c’est qu’il ignore les joies nombreuses qui naissent sous les flocons de neige de cette saison privilégiée. S’il connaissait comme moi les délices du jack, les entraînements de la chasse à la pelleterie, les inimitables aspects des aurores polaires, les hécatombes de perdrix blanches à la chair savoureuse, les nuits aux étranges clartés, il ne voudrait plus quitter des lieux si attachants, où le pittoresque de la nature ne le dispute qu’à la splendeur des tableaux et à la grandeur des horizons.

Vous entretiendrai-je des ressources du Labrador ? Vous dirai-je à quel point la nature s’y est montrée prodigue de tous ses dons ? Ferai-je briller ses pierres précieuses ? Soulèverai-je pour vous le sol qui couvre ses mines ? Non. Avant de parler de ces choses, je laisserai le présent m’en-