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imbéciles, ce foyer de toutes les sciences et de toutes les fêtes de l’esprit et de l’art, si l’on écoute les gens d’esprit, que nous vécûmes, pendant quelques mois trop courts, de la même existence, buvant la coupe des mêmes joies et poussés par les mêmes aspirations.

À cette époque, les Hydropathes, nés un soir de réveillon, au café Latin, de l’amitié de quelques Bohêmes devenus célèbres et d’une valse allemande ou autrichienne de Gung’l, je crois, — Hydropathen — venaient de sombrer au milieu des flots houleux de la misère noire. Les Hirsutes, qui gisaient alors dans un sous-sol du boulevard Saint-Michel, les avaient remplacés et battaient leur plein. Le Chat Noir, qu’un homme d’esprit, en un jour d’amère bêtise, confondit avec un mauvais lieu, réunissait dans l’atelier de Salis tous les talents que caressait l’avenir et qu’il a consacrés depuis : Goudeau, Harry Alis, Haraucourt, Montancey, Richepin, Henry Somm, Willette, etc. s’y rencontraient chaque soir.

C’était un milieu intéressant au plus haut degré et je fis connaître à Marmette quelques-unes des personnalités très singulières qui le composaient.

Il sut s’en faire apprécier et aimer, ce qui lui était facile ; mais il sut aussi, ce qui était beaucoup plus délicat, en scruter les qualités avec une habileté parfaite. Il sut encore trouver très vite le cœur, sous le flot de théories étranges et de sophismes prodigieux dont s’enveloppaient la plupart des hommes qui végétaient encore dans cette pépinière de l’art, d’où, quelques années plus tard, devaient venir les arracher le succès et la célébrité.

Si j’ai bonne mémoire, c’est vers les Hirsutes que nous nous dirigeâmes tout d’abord. Je tenais à lui présenter Émile Goudeau, président de cette réunion de poètes, de littérateurs, de musiciens et de peintres qui n’avaient de cette peuplade mal léchée que le nom. Nous trouvâmes ce dernier sur les tréteaux, occupé à déclamer des vers de sa composition.

La salle était comble et nous ne savions trop où nous asseoir, lorsque des voix amies me guidèrent, et nous nous dirigeâmes vers le fond de la pièce, où Léo Montancey et Marie Krysinska, qui m’avaient reconnu et appelé, nous offrirent des sièges à côté d’eux.

Je présentai Marmette à Marie Krysinska et Léo Montancey à Marmette. Ce devoir accompli, j’abandonnai mon excellent camarade à Marie, qui me parut disposée à s’en occuper activement, et je me