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climat si doux et sous le feu de pareils yeux noirs !…

Quoi qu’il en soit, l’on ne peut nier au peintre qui brossa ce tableau la richesse du coloris et la vivacité des sensations. Je ne saurais lui en taire un crime, ayant toujours préféré les splendeurs de tons d’un Delacroix à la rectitude sans couleur d’un Puvis de Chavannes. Le sentiment est une faculté exquise qui ne vit pas sous les tropiques et qui ne résista jamais au parfum des orangers en fleurs.

Le véritable écrivain sait modifier l’expression de son talent avec les milieux et avec les sujets qui l’inspirent. Lisez la page qui suit et que j’extrais encore de ses Récits et souvenirs : vous y reconnaîtrez comme moi que Marmette sut obéir à cette loi du talent réel.

Cela s’appelle : Une promenade dans Paris, et se passe sur le quai rêvé par tous les bibliophiles, sur le quai Voltaire.

« Depuis le commencement du quai Voltaire, en passant par le quai Malaquais et celui de Conti, jusqu’au Pont-Neuf, d’où Henri IV, du haut de son fier cheval de bronze, laisse tomber son sourire sceptique sur le bon peuple de Paris, la librairie, le bric-à-brac envahissent tout : parapets des quais, devantures des boutiques et rez-de-chaussée au plafond bas d’en face. À l’étalage en plein air s’offrent partout les livres, l’imagerie de moindre valeur, — les trop fréquentes averses du ciel parisien ne permettant pas d’exposer aux intempéries de l’air les éditions princeps et les gravures avant la lettre. Voulez-vous plutôt admirer des incunables authentiques, de vrais elzévirs ; des pasdeloups irréprochables ? Traversez la rue et vous arrêtez aux vitrines qui longent les quais à perte de vue. Là des milliers de chefs-d’œuvre de l’imprimerie, de la reliure et du burin charmeront votre regard, tandis que, tout à côté, s’amuseront à vous tirer l’œil toutes les merveilles du bric-à-brac : vieilles armures damasquinées d’or ou d’argent, épées à poignée finement ciselée par quelque maître armurier des XVe et XVIe siècles, bahuts d’ébène, coffrets mauresques aux délicates et fantasques incrustations de cuivre ou de nacre, lustres en vieux cuivre fouillé à jour, émaux cloisonnés, faïences de Bernard Palissy, ivoires, potiches, statuettes, porcelaines de Chine, de Saxe ou de Sèvres, — tout cela vrai souvent, mais parfois aussi imité avec une perfection telle que des connaisseurs sérieux ont pu s’y laisser prendre. »

Il me serait possible de citer encore une multitude de pages atta-